• Moutons et capitaines… Naviguer autrement

    casquette de capitaine et moutons

     

    Lors du naufrage du paquebot Concordia, quelques héros des temps modernes, pas nécessairement ceux qui étaient payés pour cela, sont venus au secours des plus faibles… et beaucoup d'autres passagers ont joué à sauve-qui-peut. Certains sont même passés du statut de moutons portés par l'organisation ("dormez, je veille !") à celui de moutons enragés n'hésitant pas à écraser les autres. Le contraste est saisissant entre le troupeau embarqué, satisfait de son impuissance (prix de l'absence d'initiative ou de responsabilité) et le seul-maître-à-bord qui, du haut de sa passerelle, a pris souverainement les décisions ayant conduit à l'accident.

    Ce contraste, on le retrouve dans bien d'autres circonstances. Par exemple dans la dérive de l'Europe, à partir de la façon dont depuis 30 ans, insidieusement, des pratiques rétrogrades comme la concertation intergouvernementale et, encore pire, le "condominium Merkozy", se substituent aux mécanismes équilibrés de gouvernance communautaire. Un capitaine doit disposer de tous les pouvoirs qui lui permettent de manœuvrer et de remplir sa mission. Il ne doit pas pour autant disposer du droit de faire n'importe quoi avec le bateau qu'on lui confie. Et plus la situation est complexe, plus le pouvoir doit être réparti, encadré et contrôlé.

    Ainsi, la fantaisie sur le choix de l'itinéraire n'est pas la même pour le capitaine d'un "pointu" qui rentre de la pêche et pour le commandant d'un paquebot transportant plusieurs milliers de passagers. C'est une constante dans toutes les situations où il faut des décisions : quand la mission est simple, de type commando, un chef est plus efficace qu'une assemblée délibérative ; quand la mission et complexe, on a besoin de processus et procédures plus élaborés, permettant de prendre en compte les diverses composantes de la complexité. Cette évidence est parfois difficile à admettre, particulièrement dans un pays comme la France, où l'on croit que tout se joue lors de l'élection du président puisque ce sera ensuite à lui de décider de tout, comme s'il s'agissait de désigner le chef d'un village gaulois.

    Plus encore qu'un paquebot, un grand pays a besoin de processus de gouvernance élaborés. L'Europe encore davantage et, en conséquence, ses fondateurs l'ont dotée d'institutions très évoluées, permettant d'associer les diverses parties prenantes - les Etats, les peuples, la société civile, les collectivités locales - dans des instances dotées de prérogatives adaptées à leurs caractéristiques et à leurs missions. C'est une mécanique plus difficile à comprendre par ceux qui se contentent d'un chef, de même que la mécanique d'un TGV est peu accessible à ceux qui ne connaissent que le patin à roulettes…

    C'est aussi une mécanique qui suppose que les intéressés jouent le jeu : entreprises et associations, partenaires sociaux et organisations professionnelles, représentants de consommateurs et défenseurs de l'environnement ou d'autres causes. Et c'est là que le bât blesse, car beaucoup d'entre eux ont ignoré ce jeu. De plus, c'est un jeu qui suppose qu'on participe activement, c'est-à-dire qu'on fasse du lobbying. Or le mot fait trembler ceux qui ignorent de quoi il s'agit ! Ainsi, au lieu de participer à cette grande entreprise qu'est la construction européenne, les intéressés ont déserté le terrain, voire ont joué contre leur camp. Cette désertion s'ajoute aux représentations mentales réductrices selon lesquelles c'est à une caste du gouvernants qu'il revient de gouverner : ces derniers n'ont plus qu'à occuper le terrain, s'autoproclamer "patrons" de l'Europe… Alors c'en est fini des institutions subtiles, du rôle de la société civile organisée et de la représentation des peuples. Alors le mauvais lobbying chasse le bon. Alors tant pis si l'on oublie qu'il y a "plus de lumière et de sagesse dans beaucoup d'hommes réunis que dans un seul" (Tocqueville).

    Tout cela suggère au moins un constat et une question. Constat : la tentation est grande de se reposer ou de se défausser sur un seul-maître-à-bord. Question : serions-nous devenus des moutons bêlants ? Si l'on assimile bêler à "râler mais suivre le mouvement", peut-être... Lire la suite > Rebonds

     

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