• Rebonds

    moutons sur trampoline

     

    Parmi les titres de l'actualité : un paquebot sombre et l'Europe dérive. Ces faits suggèrent un constat et une question. Le constat : la tentation est grande de se reposer ou de se défausser sur un seul-maître-à-bord (cf. blog > Moutons et capitaines…). La question : serions-nous devenus des moutons bêlants ? 

    Question impertinente (effrontée, irrévérencieuse), mais peut-être aussi pertinente (juste, opportune) ? Nous pourrions la reprendre sous plusieurs angles. Partons de la notion de rebond.

    REBOND, n. m. Nouveau développement, parfois surprenant, après un temps, après une difficulté, après un obstacle… A divers titres, le thème est important et actuel.


    Immédiatement : rebond sur l'étonnement

    Pour commencer, je voudrais rebondir sur mes vœux de 2011. En ce début 2012, je vous souhaite pour cette année beaucoup d'étonnement, avec bien sûr une bonne dose d'émerveillement. Etonnement est pris ici au sens de "aptitude à s'étonner", à s'ouvrir à l'inattendu. L'an dernier, alors que l'actualité commandait de s'indigner, je proposais d'élargir la perspective en ajoutant à l'indignation ce qui lui donne plus de sens et de portée : la prise de recul (étonnement) et le passage à l'acte (engagement). Voir vœux 2011 > Etonnez-vous... Indignez-vous... Engagez-vous !

    Ce vœu a-t-il été exaucé ? Y avez-vous souscrit ? Quels ont été les résultats ? De son côté, pour compléter son best-seller Indignez-vous !, Stéphane Hessel a depuis publié un Engagez-vous ! resté plus discret. Gageons que, tôt ou tard, l'exhortation sera suivie d'effet. Mais surtout rappelons que, comme l'indignation, l'engagement ne peut avoir de réelle incidence si l'on s'obstine à négliger le premier volet du triptyque, qui conditionne les autres, leur pertinence, leur utilité. Et qui conditionne bien d'autres facteurs de créativité et de renouveau, ne serait-ce que la sérendipité (découverte heureuse et inattendue, faite "par hasard"), une autre forme de rebond. Alors je persiste : étonnez-vous, que diantre !

    Pourquoi ? Parce que nous vivons, observons ou commentons abondamment les profonds changements qui caractérisent notre époque… mais nous en tenons peu compte, faute de porter un nouveau regard sur ce qu'ils changent. On se focalise sur leurs effets directs, mais on néglige leurs répercussions sur le système, sur le "cadre du jeu", sur les façons de jouer… Si, atteignant une plage après avoir parcouru les sentiers d'une île rocailleuse, un randonneur devait traverser la mer, pourrait-il faire fi des caractéristiques du milieu aquatique ? Arrivé à ce point, je doute qu'il s'obstine à crapahuter sac au dos.

    routard quittant l'île noire

    Il chercherait autre chose - natation ou navigation, sur l'eau, sous l'eau, dans les airs… - à partir d'un nouveau regard sur ce nouvel environnement. L'action change le cadre de l'action : à force de marcher dans son environnement terrestre, il en est sorti. Eh bien de nos jours, on a beau savoir que le monde est différent d'hier, on continue à l'aborder avec les anciennes références, devenues aussi inadaptées que les godillots du routard pour prendre la mer. Puis on s'étonne que les façons de faire habituelles ne marchent plus, que les analyses traditionnelles n'expliquent plus rien… Savoir s'étonner, c'est savoir jeter un autre regard non seulement sur ce qui se passe (phénomènes), mais aussi sur la façon dont cela se passe (processus) et, plus profondément, sur les schémas conceptuels (paradigmes) qui sous-tendent nos façons d'observer, d'étudier et d'aborder tout cela. Nous avons besoin de (ré)apprendre la curiosité et la capacité d'étonnement sur nous-mêmes, sur notre environnement et sur notre action, un peu comme Montesquieu l'avait fait dans ses Lettres persanes.

    Quels sujets d'étonnement ? La famille, l'éducation, l'emploi, le travail, le management, la communication, les réseaux, la politique, la gouvernance, l'Europe, l'immigration, la production, les délocalisations, la consommation, la valeur, les valeurs, la vraie vie, la santé, les loisirs, la culture… La liste est loin d'être fermée. Mais surtout, ce qui manque, c'est une approche globale, pour envisager ces questions dans une perspective cohérente. Arrêter de les dissocier alors que tout se tient. Peut-on se satisfaire de regards partiels (comme à l'école), déformés (comme à la télé), experts (comme avec les gens "sérieux") et en tout cas périmés ?

    Certainement pas. Alors je renouvelle mes vœux pour une année d'étonnement qui, à n'en pas douter, contrastant avec la morosité des regards stéréotypés, dévitalisés et dépersonnalisés de nos moutons, ne peut qu'être une année d'émerveillement ! Un peu plus > Apprendre à désapprendre


    Fondamentalement : rebond de "fin de cycle" ?

    Ceci nous conduit à un autre rebond, qui peut d'ailleurs être induit par le précédent : celui d'une "fin de cycle". Si l'on se réfère aux cycles longs de développement économique et social, nous avons connu après la Guerre une longue phase ascendante (la forte croissance des Trente glorieuses), puis une phase descendante (le déclin relatif des Trente piteuses). Si l'on admet la rigueur mécanique de l'interprétation cyclique, nous sommes désormais arrivés "au plus bas", au point de rebond !

    cycles Kondratieff 

    > Agrandir l'image

    Franchement, je n'y crois pas (à l'implacabilité des cycles - car je crois fermement à la possibilité d'un rebond !). Ce n'est pas nouveau. À la fin des Glorieuses, la Commission européenne m'a demandé de diriger une étude sur le sujet (voir > Technologie et société : les voies de l'innovation). Nous avons conclu que la phase descendante qui s'amorçait n'était pas une fatalité, car on pouvait contrarier les cycles. Moyennant un effort de lucidité et de volonté, qui aurait permis d'engager une autre phase de croissance. Cet effort n'a pas été consenti, nous avons eu les Piteuses. Symétriquement, aujourd'hui, le passage en phase ascendante n'a rien d'automatique. De même qu'on aurait pu "sortir du cycle par le haut" vers 1980, on peut aujourd'hui en sortir par le bas - comme s'emploient à nous le démontrer les choix faits depuis toutes ces années de crise un peu matérielle, beaucoup morale. À la fin de la guerre, lucidité et volonté ont permis la dynamique des Glorieuses ; aujourd'hui, leur absence nous privera-t-elle de la perspective de construire Trente radieuses ? Sommes-nous inévitablement en route vers Trente affreuses ? L'hypothèse d'un rebond est-elle dénuée d'enjeux ?

    C'est justement il y a 30 ans que j'ai publié Mutation 2000, le tournant de la civilisation, dans lequel j'évoquais ces questions. Aujourd'hui, plusieurs données du problème sont différentes, mais les problématiques restent les mêmes : nous sommes face a des décalages que nous refusons de "recaler". Décalages entre diverses évolutions : celles de notre environnement général (technique, économique, social, culturel…), celles des personnes (leurs comportements, leurs aspirations…) et celles des systèmes institutionnels (ces dernières étant souvent très en retard sur les autres évolutions) ; décalages entre des phénomènes et processus de plus en plus complexes (systémiques) et nos représentations mentales linéaires (mécaniques) ; décalages entre les réalités fluides d'un monde horizontalisé, en réseaux, et les réponses rigides d'institutions verticalisées, hiérarchiques ; décalages entre d'une part le jeu que voudraient/pourraient/devraient jouer les acteurs de cet univers fluide et ouvert (cf. société civile, mouvements citoyens, politic angels, indignés…), d'autre part leur faible rôle effectif et le maintien de dirigeants et institutions déphasés, crispés ou fossilisés dans leurs approches rigides et fermées ; etc.

    Les moutons suivent le cycle et négligent ces décalages. Pourquoi ne pas plutôt jouer à saute-mouton, traquer les décalages et tenter de "recaler" tout ce qui peut l'être ? Comme le randonneur qui quitte son île, nous sommes passés du cadre "solide", matriciel, de la société industrielle au milieu "fluide", réticulaire, de la société postindustrielle (réticulaire au sens de "en réseau"). Les références ne sont plus les mêmes, les modes d'emploi non plus. Adaptés à la mécanique, le tournevis et la clé de 12 sont peu utiles en biologie… Une autre métaphore est celle de l'eau : elle ne se comporte pas de la même façon - donc on ne l'aborde pas de la même façon - selon qu'elle est glaçon ou vapeur ! Voir > Le mystère de la vapeur

    clé à molette sur molécules

    Mon intention n'est par de souffler les 30 bougies de mon livre, ayant peu de goût pour les célébrations d'anniversaires en forme de commémorations nostalgiques de temps révolus. Par contre, pour construire l'avenir, il est bon de tirer des enseignements du passé. Alors je reviens à la charge avec ce qui, dans mes analyses de l'époque, reste plus actuel que jamais. A la fin des Glorieuses, je prônais une autre croissance, à partir d'un autre regard et à l'aide d'autres instruments, considérant que l'inversion cyclique n'était pas inéluctable. Je récidive aujourd'hui, à la fin des Piteuses, car l'inversion cyclique n'est pas automatiquement acquise : rebondir se conquiert ! Voir > Mutation 2000, le tournant de la civilisation


    Épistolairement : simplexité et rétiscaphe

    C'est pourquoi je publie un nouveau site et une nouvelle lettre. Rebond épistolaire après un temps de silence (lié à des dysfonctionnements oculaires aujourd'hui en voie de meilleure régulation). Ces publications se veulent plus "pédagogiques" que précédemment. Avec pour objectifs de sensibiliser et stimuler : faire en sorte que, cessant d'attendre d'impossibles réponses "d'en haut", chacun prenne conscience qu'il détient des clés, qu'il peut et doit non seulement s'indigner mais surtout s'engager. Une prise de conscience alimentée et catalysée par cette nécessaire aptitude à s'étonner, à jeter enfin un autre regard sur les composantes structurantes de la mutation (réseaux, Europe…) et à en utiliser les nouveaux instruments (démarche prospective, lobbying démythifié…). Le caractère "pédagogique" de la démarche s'entend moins au sens de l'Education nationale (transférer savoir et savoir-faire, apprendre et reproduire…) qu'au sens de mes propres expériences et pratiques, notamment professionnelles (cultiver savoir-voir et savoir-être, stimuler l'autonomie, le discernement, la rigueur…). > Interventions

    "Moi qui balance entre deux âges", comme disait Brassens, je voudrais interpeller jeunes et vieux. D'un côté, alerter les aînés sur les mutations, quand ils peinent à en appréhender la nature, donc à en évaluer la portée, donc à reconsidérer leurs façons de voir et de faire ; mais surtout quand, enseignants ou encadrants chargés de préparer les jeunes au monde de demain, ils s'emploient plutôt à les préparer au monde d'hier. D'un autre côté, je voudrais aider les plus jeunes à se libérer de la torpeur des Trente piteuses, eux qui n'ont connu que cette époque morne et sa pensée unique médiocratique, quasi dénuée d'idéal et de Projet ; "je vous parle d'un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître" mais je vous assure, pour l'avoir vécu, qu'on peut faire beaucoup mieux !! A vous de jouer, lâchez-vous, inventez un monde vivant…

    bandeau "simplexité"

    Ces publications comportent aussi quelques nouveaux apports pratiques. En particulier, elles sont lisibles à partir de tout téléphone mobile, elles sont interactives et facilitent l'expression soit en ligne (> commentaires), soit en privé (> contact). Par ailleurs, bien que je sois assez peu actif sur les réseaux virtuels, nous pouvons également nous y retrouver (notamment > http://www.linkedin.com/in/jeanpierrequentin ; http://www.viadeo.com/fr/profile/jean-pierre.quentin ; http://twitter.com/#!/JeanPierQuentin). Voir > Entre nous

    Le site, c'est www.jp-quentin.net. Un mot résume sa finalité : la simplexité. Il s'agit d'aborder la complexité de façon simple. Pas simpliste, à l'instar d'un journal télévisé qui la réduirait au lieu de la résoudre, qui multiplierait les rideaux de fumée alors qu'on a besoin de voir clair, qui nous égarerait dans des diversions là où il faudrait recentrer ou recadrer… Au contraire, la simplexité est une démarche tendant à rendre lisible et exploitable ce qui, sans elle, serait confus et déroutant. Car elle va "à l'essentiel" (l'essence des faits ou des idées), en distinguant bien les différents niveaux de complexité et en faisant apparaître les relations entre eux. Comme une carte routière, qui permet de se repérer car elle distingue, hiérarchise et relie les grands axes, les routes moyennes, les voies secondaires et les chemins de campagne - à la différence du JT qui, souvent, isole quelques pièces du puzzle, préfère ce qui distrait à ce qui éclaire et, surtout, ignore les voies structurantes… Voir > Complication contre complexité

    La nouvelle lettre, c'est le rétiscaphe - néologisme bientôt présent dans les meilleurs dictionnaires ! Ce "véhicule réticulaire" est une machine à naviguer dans un monde en réseaux, voire à surfer dessus. Ses principaux instruments de bord sont d'une part la démarche prospective, qui aide à mieux comprendre aujourd'hui pour construire demain, d'autre part la communication stratégique, sorte de lobbying évolué destiné à favoriser l'intelligence collective. J'aurai l'occasion de mieux vous le présenter dans les prochaines lettres. Si ce bulletin vous intéresse, inscrivez-vous. Il succède à mon ancienne lettre "Diffusion" (www.algoric.eu), dont il reprend le slogan : C'est dangereux, comme tout remue-méninges… mais c'est gratuit ! Inscrivez-vous > Inscription à la Lettre

    Rétiscaphe sur carte routière

    Les liens de l'article :
    > Etonnez-vous... Indignez-vous... Engagez-vous !
    > Apprendre à désapprendre
    > Technologie et société : les voies de l'innovation
    > Le mystère de la vapeur
    > Mutation 2000, le tournant de la civilisation
    > Complication contre complexité
    > Inscription à la Lettre

    Voir aussi :
    Qui... Quoi... Pourquoi...

     

     
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  • Commentaires

    1
    Vendredi 20 Janvier 2012 à 21:29

    avec ce nouvel oeil davantage accéré!!! allez on s'engage

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